La foi comme reconnaissance « au coeur de... »

Si la foi est, comme toute reconnaissance, reconnaissance « en dépit de... », elle possède aussi une dimension paradoxale. La foi de Pâques n’est ainsi pas seulement confiance que, en dépit de l’échec de sa croix, le maître est bien puissant en actes et en paroles. Elle est aussi reconnaissance que le maître est, par excellence, puissant en actes et en parole sur la croix! Pour le dire avec un autre évangile, l’abaissement absolu de la croix est le lieu de son triomphe, de sa victoire, de son élévation auprès de Dieu.

En ce sens, la foi chrétienne comprise comme reconnaissance comporte une dimension que ne possède pas nécessairement le mouvement général de la reconnaissance. Quand je dépasse, grâce à la méthode, le marasme (de la scolastique) ( Deux illustrations dans le Discours de la Méthode de Descartes), je le dépasse, quitte à devoir le re-dépasser s’il m’arrivait d’y retourner. Quand la foi relit à partir de son fondement la visée de départ du croyant, elle est forcée, par son fondement même, de tenir compte du fait que c’est dans l’échec même que s’opère le dépassement de cet échec. Des exemples le diront de manière plus claire!

La reconnaissance de la foi est donc simultanément reconnaissance « en dépit de... » et reconnaissance « au cœur de... ». Elle est reconnaissance au coeur de ce en dépit de quoi je crois.

Subsiste toutefois une tension insurmontable entre ce en dépit de quoi je reconnais et ce au sein de quoi je reconnais. Cela a beau être la même réalité. Je ne puis toutefois fondre ensemble la prise de distance à l’égard de... et l’engagement au sein de.... Je ne puis concilier la croix-échec et la croix-victoire. Je ne sais comment articuler durablement liberté et prédestination, victoire sur le mal et parole dite au cœur du mal, justification par grâce et exigence de faire de bonnes œuvres, Eglise dysfonctionnelle et lieu indispensable de la prédication de la parole de Dieu, les Ecritures par endroits fausses et contradictoires et ces mêmes Ecritures, seul accès à la Parole de Dieu comprise comme loi et évangile...  C’est la raison pour laquelle on n’est jamais chrétien, mais on doit toujours le redevenir.

Ces réflexions nous incitent à réfléchir à quelques autres dangers que court la reconnaissance croyante. Elle a, en effet, toujours tendance à se transformer en connaissance. Il s’agit donc de clarifier les liens entre foi et connaissance. Nous le ferons au moyen de deux fiches supplémentaires: